[Critique Film] – Beasts of no Nation

Après s’être fait un nom dans le monde des séries et avoir produit des documentaires, Netflix se lance dans la fiction cinématographique avec Beasts of no Nation, un film qui suit le parcours d’Agu, un enfant qui devient soldat en Afrique. Un thème fort et casse-gueule pour une première, et qui manque d’un petit quelque chose pour être plus qu’un bon film.

Beasts of no Nation part sur de bonnes bases avant même que l’on lance le film. Le casting semble de qualité – avec Idris Elba en tête d’affiche -, son réalisateur, Cary Fukunaga, a marqué le petit monde des séries télévisées avec la première saison de True Detective et puis la figure tutélaire de Netflix est un garant d’une certaine qualité, l’Américain s’imposant de plus en plus comme un pilier de la création fictionnelle mondiale en attirant des grands noms et en multipliant les projets coûteux et ambitieux. Sauf que traiter des enfants-soldats, peu importe l’argent et les noms mis dans le projet, demande un certain doigté, le sujet étant très sensible et malheureusement toujours d’actualité. Le principe de ne pas nommer un pays est déjà un bon point, car cela permet au film de ne pas s’enfermer dans une situation donnée.

Une fois le film lancé, l’évidence saute aux yeux : la mise en scène est solide, très solide. Fukunaga sait manier une caméra et il a le sens du cadrage. Si l’utilisation de certains effets visuels lasse au bout d’une heure – comme ces trop nombreux ralentis –, certains plans sont parfaits, comme ce travelling dans une tranchée boueuse avec cette terre ocre qui ressort magnifiquement bien, ou encore les adieux entre Agu et sa mère qui prend aux tripes.

Beasts of no Nation est contemplatif ; il prend le temps de montrer au spectateur ce qu’il s’y passe, sans le brusquer mais sans prendre de pincettes de pour autant. Certaines scènes sont plutôt crues, d’autres ne sont que suggérés. Il se dégage du film une atmosphère dérangeante et anxiogène, sans pour autant tomber dans l’excès du pathos. Sur ce point, la nouveauté de Netflix est une réussite. Autre succès : le jeu des acteurs. Si certains rôles sont moins crédibles que d’autres – je pense au leader de la rébellion qui est assez pâlot face à Elba -, Abraham Attah est une vraie révélation et crève l’écran en Agu ; quant à Idris Elba, il est égal à lui-même, charismatique en diable. Quant au scénario, sans être original il parvient à dérouler son histoire de façon fluide et cohérente, tout en étant plutôt bien documenté sur la condition des enfants-soldats.

Le seul vrai souci avec Beasts of no Nation est qu’il n’est pas plus que ça. C’est un film solide, carré, mais il manque la petite étincelle qui en ferait un très bon film. Peut-être est-ce dû à la prévisibilité des événements, qui s’enchaînent logiquement mais sans surprise. Ou alors à cause de l’écriture des personnages qui semble parfois trop mécanique. Et puis couvrir des thématiques aussi vastes que l’enrôlement des enfants-soldats, leur quotidien, les abus, la violence, la guerre en Afrique, le tout en un peu plus de deux heures relève de la gageure. Tout y est, plutôt bien traité en plus, mais Agu en tant que personnage passe un peu au second plan ; parfois, il ne devient qu’un prétexte pour montrer les choses. Et dans un film, ça me dérange un peu.

Beasts of no Nation est donc un bon film, mais il n’est que cela. C’est déjà bien, certes, mais on sent qu’il y avait la place pour en faire plus et c’est un poil frustrant. Néanmoins, pour sa première entrée dans la fiction cinématographique Netflix frappe fort. Et le site de SVOD pourrait même s’inviter à la cérémonie des Oscars l’année prochaine, qui sait.

PFloyd lui attribue la note de
7/10

En bref

Beasts of no nation est un bon film, c’est indéniable. D’un sujet compliqué à traiter, Fukunaga tire une oeuvre contemplative qui captive par moment et prend aux tripes ; mais il lui manque un vrai côté viscéral pour vraiment happer le spectateur.

PFloyd

Stanley Kubrick, Akira Kurosawa et David Simon sont mes Dieux, mais je prends toujours du plaisir à voir un film ou une série, à condition que ce soit bien et bon. Sinon, gare au retour de bâton.

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