Je me demande si je ne viens pas de voir un aboutissement. Celui de la carrière de Michael Mann, mais aussi du genre du thriller/action US des années 2000, tellement charcuté par des metteurs en scène médiocres, et qui revient ici avec la violence d’un uppercut. Car oui, autant vous prévenir tout de suite, Blackhat met une tarte dans la gueule.
Michael Mann reste dans la lignée de ses précédents films, mais il se permet d’apporter des nouveautés par petites touches dans tous les éléments qui importent dans son film : si le scénario reste simple en surface – un blackhat pirate un site nucléaire et la bourse/une équipe mène l’enquête pour le retrouver (pitch de base que l’on retrouve dans beaucoup de films du même genre), Mann réussit à insuffler des thématiques et des idées plutôt originales et bien foutues, mais j’y reviendrais plus tard. Le réalisateur muscle aussi son jeu, délaissant les envolées philosophiques de Collateral ou les discussions de Heat ; Blackhat se réduit au strict minimum niveau narration, et cette sobriété est vraiment la bienvenue car elle empêche sûrement aux personnages de dire des bêtises et de casser la magie du film.
Non, ce qui compte ici, c’est la mise en scène qui met à terre une très grande partie de la production actuelle. Je n’avais encore jamais eu la chance de voir un film de Mann au cinéma, et je dois avouer que j’ai été soufflé par tant de qualité. La caméra est agile, alternant plans larges et serrés, travellings géniaux et angles couillues, sans jamais donner l’impression que le film est trop découpé. Les fusillades me font penser à ce que l’on peut voir dans le cinéma hongkongais ou coréen parfois – j’ai cette image en tête aussi pour certains plans, comme les ralentis, les fusillades ou encore les passages à HK ou Jakarta, mais je me fais peut-être un film. L’environnement urbain est encore mieux exploité que dans Collateral, la nuit est magnifique et les éclairages sont grandioses – il faut voir la séquence de fin pour comprendre son importance. Les arrières-plans fourmillent de détails, le hors-champ angoisse et surtout, Mann surprend et angoisse. L’atmosphère est oppressante, comme dans ce resto chinois ou cette (fausse) scène d’adieu, le danger peut survenir de partout. Pourquoi ? Tout simplement parce que nos héros ne sont pas des super-héros.
Et là, on touche vraiment le nœud gordien du film. Si il fonctionne, c’est parce qu’il refuse justement de faire de ses personnages des Avengers. Et là où il y a faiblesse et vulnérabilité, il y a danger et mort. Son atmosphère fonctionne car jamais cette dernière n’est loin, et même si certains éléments sont un poil prévisibles – le boîtier GPS par exemple – ils apportent de la tension. Blackhat tire l’élastique à son maximum et le relâche à bon escient. Et Mann utilise très bien Hemsworth, montagne de muscles impuissante devant la complexité de l’affaire dans laquelle il s’est embarquée, qui se retrouve toujours en retard et traqué. Je n’étais pas convaincu par ce choix de casting, mais comme avec Cruise, c’est une réussite. Et au final, on se fiche un peu de l’antagoniste humain, qui manque singulièrement de swag en plus, car celui qui compte est immatériel, dans le réseau tout entier, partout et nulle part à la fois. Et franchement, je ne pensais pas qu’il était possible de l’appréhender aussi bien et surtout de le retranscrire à l’écran de façon aussi efficace. Ici on y croit, même si parfois on se dirait dans un épisode de MacGyver 2.0, on y croit tout de même.
Blackhat est un film de genre, un vrai de vrai, puissant et intelligent. La forme et le fond sont en harmonie et j’ai pris un pied monstrueux à suivre cette bande de bras cassés pas forcément aussi gentille que l’on pourrait le croire – car oui, on s’attache aux personnages, même à celui de Viola Davis ou du marshall, et même la romance passe bizarrement bien. On sent que Mann a vraiment poli son film, et le résultat est là devant nos yeux.
Magnifique.
PFloyd lui attribue la note de
En bref
Blackhat est clairement le thriller à voir en ce début d’année. Sa réalisation, son rythme et son intelligence en font un très bon film qui marque durablement. Plus que jamais, Michael Mann s’impose comme le roi de la nuit et des environnements urbains, et aussi comme l’un des meilleurs cinéastes contemporains.