Avocat dans une grande firme, Robert Bilott reçoit la visite d’un fermier de Virginie Occidentale, qui pense que l’entreprise DuPont empoisonne son bétail. En acceptant l’affaire, Bilott va découvrir que DuPont fait bien plus que ça.
Basé sur un article du New York Times, le nouveau film de Todd Haynes change radicalement, dans son sujet, de ses derniers films. Pourtant, à bien y regarder, une thématique semble parcourir son cinéma : celle de l’isolement par rapport à la société. Dans Carol, de par leur homosexualité, Carol et sa compagne vivaient dans le secret et étaient persécutées. Bob Bilott, lui, s’est attaqué à une entreprise dont les tentacules se sont glissées jusque dans le gouvernement. Comment ne pas s’isoler et se faire des ennemis ? Comment trouver la force, nous dit Todd Haynes dans ses films, de continuer ?
Et la réponse, invariablement, est la même : pour nous. Un nous collectif, fait de petites gens, ceux qui ne peuvent, justement, pas s’offrir l’isolement privilégié qui va avec le pouvoir.
En deux heures de temps, Haynes retrace plus de dix ans d’affaire. L’obstination de son personnage principal, si admirable, est tout à fait cinématographique : c’est un vrai héros. Pourtant, Todd Haynes n’oublie jamais de rappeler que ses personnages sont à taille humaine. C’en est d’autant plus important et pertinent que c’est justement contre l’impunité des grandes industries que le film se positionne.
Il y a quelque chose de doux-amer dans Dark Waters : il faut, après tout, vivre avec l’idée que nous sommes toutes et tous, dans une certaines mesure, empoisonné-e-s par des produits chimiques dont la toxicité a été longtemps dissimulée. Si l’impact du produit en question dans le film, et son omniprésence, crèvent le cœur et paniquent, le film évite un côté alarmiste qui pourrait tourner au complotisme. C’est grandement du à l’écrire de son personnage principal et au jeu de son interprète, Mark Ruffalo, qui cache la passion et la motivation de Bilott derrière une apathie de façade.
Dark Waters, c’est un récit de résilience, cette résilience tranquille dont Robert Bilott fait preuve tout le long de l’affaire. Et si les moments d’incertitude, de panique, qui parsèment le film, peuvent émouvoir, c’est dans sa dernière scène que le film touche au cœur. Todd Haynes a le chic pour pondre des points finaux d’un optimisme rasséréné. Dans Carol, c’était un regard à travers une pièce. Dans Dark Waters, c’est un champ contre-champ et une réplique.
Comme avec chacun de ses films, Todd Haynes prend le temps, nous offre une œuvre qu’il faut prendre le temps de digérer. Face à Dark Waters, pas d’émerveillement ébloui. Par contre, l’évidence d’un grand film.
SophieM lui attribue la note de
En Bref
Avec Dark Waters, Todd Haynes sort à nouveau un film maîtrisé de bout en bout qui, s’il n’est pas une claque monumentale, reste en tête.