[Critique Film] – Hana et Alice mènent l’enquête

L’improbabilité est sans doute ce qui caractérise dans un premier temps Hana et Alice mènent l’enquête, le treizième long-métrage de Shunji Iwai (qui a aussi réalisé plein de court-métrages et de téléfilms). Imaginez un film qui mélangerait un début d’intrigue digne de Persona (le jeu), une séquence d’une quinzaine de minutes issue d’un film de Kurosawa, un duo d’enquêtrice qui se la joue Sherlock et Watson en version bras cassés et une comédie dramatique sur l’adolescence, secouez fortement et rajoutez une pincée d’ambiance onirique : vous avez ledit film.

Ce résumé peut paraître absurde mais c’est justement ce qui fait qu’Hana et Alice mènent l’enquête fonctionne. Le film surprend souvent, est intelligent dans le traitement de ses personnages et ne se disperse (pas trop) au fil des péripéties de ses deux héroïnes. D’ailleurs, en parlant de surprise, il faut bien parler de la spécificité de ce long-métrage d’animation : l’usage de cette fameuse technique de la rotoscopie (technique qui consiste à filmer des scènes dans le monde réel, de dessiner par-dessus et de mettre toutes les scènes bout à bout) (A Scanner Darkly en est un très bon exemple), surprise d’autant plus grande quand on ne s’est absolument pas renseigné sur le film au préalable et que l’on s’attend à une animation traditionnelle. Ici, la rotoscopie apporte de grosses qualités et ses petits défauts habituels : ainsi, si elle donne un vrai cachet artistique au film, notamment dans la qualité de ses décors et pour transformer la plupart des séquences dynamiques en vrais tableaux peints, elle peine parfois à retranscrire la fluidité d’un ralenti, avec une impression étrange d’image par image trop marquée qui casse l’immersion. Mais comme Hana et Alice mènent l’enquête est un film bien rythmé, ce défaut est mineur. Il faut dire que la mise en scène est assez inspirée, avec des séquences bien barrées (l’exorcisme est un grand moment) et des cadres bien choisis, ce qui aide à ne pas sortir du film.

Et justement, qu’y a t-il dans ce film ? Tout d’abord un début certes un peu poussif qui ne met en scène qu’Alice, mais qui est plutôt drôle pour qui aime l’humour adolescent (et qui donc a un petit air de Persona avec son monde parallèle et son meurtre dû à un mal très compliqué à retranscrire) ; alors, certes, Shunji Iwai passe un peu trop de temps sur cette partie, mais rien de dramatique. Ensuite vient la rencontre avec Hana et le film bascule vraiment dans cette comédie dramatique douce-amère que les Japonais savent si bien faire. Tour à tour drôles et touchantes, Alice et Hana déambulent dans les rues avec la légèreté de l’adolescence et mènent leur enquête qui n’est finalement qu’un prétexte pour faire parler les personnages, et notamment Hana. Iwai a réussit à lui donner une vraie profondeur dramatique, personnage torturée par un amour passé qui l’empêche de s’épanouir ; parce que oui, adolescent on aimait aussi faire tout un foin de choses qui, d’un oeil adulte, paraîtraient accessoires et futiles. A tort.

Grosse fatigue

Traitant de l’amour, de l’isolement et du repli sur soi, Hana et Alice mènent l’enquête est une très belle fable qui réchauffe le cœur et donne la banane. Malgré tout, le film n’est pas exempt de défauts en terme de rythme ou de dialogues un peu trop longuets (notamment au début) et l’intégration de deux séquence entières tirées donc d’un film de Kurosawa (je vous laisse découvrir lequel) sont assez longuettes et cassent le rythme même si elles sont réussites. Néanmoins, cela n’entache pas l’attachement que l’on éprouve pour Hana et Alice qui sont véritablement des réussites.

Bref, si vous souhaitez un film d’animation qui vous fera rire et vous racontera des histoires touchantes d’adolescentes qui vivent un conte initiatique, le tout baignant dans cette douce et envoûtante ambiance japonaise (qui devrait peut-être nous servir d’exemple pour donner plus d’âme à nos films, m’enfin je dis ça je dis rien), vous pouvez y aller sans problème. Pour les autres, et notamment ceux qui ne connaissent pas la rotoscopie, voyez à quoi le procédé ressemble auparavant. Mais bon, comme il fait moche en ce moment on a bien besoin d’un peu de Soleil dans nos cœurs, pas vrai ?

PFloyd lui attribue la note de :
7/10

En bref

Shunji Iwai livre avec Hana et Alice mènent l’enquête une très belle œuvre sur l’adolescence, à la fois drôle et touchante et avec deux personnages principaux fort attachants.

PFloyd

Stanley Kubrick, Akira Kurosawa et David Simon sont mes Dieux, mais je prends toujours du plaisir à voir un film ou une série, à condition que ce soit bien et bon. Sinon, gare au retour de bâton.

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