À l’instar d’« Hospitalité », n’arrivant en hexagone qu’aujourd’hui après sa sortie nippone il y a dix ans, « Le Soupir des vagues » n’est pas né de la dernière pluie. Sorti au Japon en 2019, ce huitième long-métrage de Kôji Fukada replonge son cinéaste dans la thématique que l’on pourrait résumer à cette question : qui donc est l’autre ? Arborant le thème de l’intrusion, déjà exploré dans « Hospitalité » et « Hamonium » (2016), Fukada trace ici également une continuité vis-à-vis d’« Au revoir l’été » (2013), lequel se constituait comme un drame rohmerien flottant sur le Japon post-Fukushima. Dans « Le Soupir des vagues » sont mis en exergue les disparus du tsunami de 2004, sur la côte indonésienne par laquelle s’ouvre le film, à Sumatra, alors que Sachiko s’y rend pour visiter sa famille japonaise. Alors s’échoue sur le rivage un homme mystérieux doté de pouvoirs fantastiques.
Parcouru d’artères de sagesse et de veines anthropologiques, « Le Soupir des vagues » affirme son penchant pour le fantastique au travers de l’apparition de cet homme-vague, campé par Dean Fujioka. La dimension fantastique du personnage n’intervient pas par son apparence quasi androgyne, ni seulement par les miracles qu’il accompli en arguant le motif de l’eau, mais par sa simple dimension interventionniste, — comme le mentionne Fukada dans le dossier de presse — le voyant déclencher des actions tout en demeurant simplement observateur de leurs déroulés. Cela donne au film un rythme étrange, étranger sans pour autant entacher son accessibilité, notamment lorsqu’il interroge l’identité japonaise sur un territoire ayant rencontré des catastrophes naturelles similaires à celles vécues sur l’archipel nippon. Le rapprochement avec « Au revoir l’été », film où l’Indonésie était déjà un pays fantasmé, est alors évident, tandis que les deux films partagent pourtant si peu. « Le Soupir des vagues » va même confirmer qu’« Au revoir l’été » restera une parenthèse dans le cinéma de Fukada ; est-ce vraiment dommage ? Aqueux non !
Le problème du cinéma de Fukada est qu’il se base sur une simplicité assez racoleuse, ou tout paraît être fait pour faire simple sans que cette démarche de réalisation n’éclaire un propos ou propose une pensée. C’est du moins le sentiment que donnait à entendre « Au revoir l’été », s’arrimant explicitement sur l’ombre d’un autre cinéaste. « Le Soupir des vagues » dispose également de cette simplicité dans son exécution, laissant s’enchainer les raccords en tachant plus de raconter que d’immerger le spectateur. Mais raconter quoi ? Les visages, tout simplement. Ceux de cette population qui a vu l’inondation, sur laquelle Fukada ne manque pas de s’attarder, tandis que son homme-vague s’avère plus une incarnation anthropomorphique de la Nature qu’une simple divinité, lui qui donne vie avec la même facilité qu’il reprend. Sorte de bulle, suivant sous le joug de ce personnage métaphysique le parcours initiatique de quatre adolescents japonais et indonésiens, « Le Soupir des vagues » se targue alors d’un cachet relativement insipide, mais une insipidité qui semble quasi intéressante, tellement qu’à l’instar d’« Hospitalité » on serait plus tenté d’en chiner des recherches que de délivrer une critique. Et c’est peut-être autant la force que la faiblesse du cinéma de Fukada : il faut avoir une raison pour regarder ses films, et parfois plus s’axer sur des hypothèses que sur le plaisir du cinéma pour les trouver intéressants. Autrement, « Le Soupir des vagues » à ce problème qui est celui de tout rendre visible, de tout rendre évident dans un contexte où l’on se laisserait mieux happer par les énigmes. Si on lui accorde volontiers une certaine grâce dans son exécution, un plaisir évident au visionnement, une intrigue principale finement écrite (celle de Satchiko), forcé d’admettre que ce Fukada patauge dans un récit particulièrement lisse, lequel ne va guère plus loin que l’allure d’un téléfilm. Et voilà que l’on regrette déjà ces reproches, tant « Le Soupir des vagues » est louable dans ses intentions, fidèle à son réalisateur, invitant à l’ouverture, transmettant la soif d’expériences humaines.
Boyen LaBuée lui attribue la note de :
En bref
Le Soupir des Vagues ressemble à une petite vague que l’on voit passer, sur laquelle s’attarde notre attention bercée par le bruit de son fracas.