À travers L’Odyssée, Jérôme Salle aurait bien pu revenir sur le passé d’agent de renseignement de Jacques Yves-Cousteau ; son ambition de conquérir l’océan, sa reconversion dans la bataille écologique, l’aventurier et l’inventeur de génie, son absence auprès de sa famille, l’académicien admiré ou le scénariste malicieux. In-fine, le réalisateur de Largo Winch s’appuie sur tous ces faits à la fois, débagoulant une narration éclectique et elliptique. Ce qu’il fait de plus intéressant reste cependant son choix de cadrer son biopic du capitaine du Calypso à travers le point de vue de son fils, Philippe, membre le plus original et « gauchiste » de la tribu. Classieux, modeste et efficace, Salle nous offre une preuve de son impressionnant pragmatisme, donnant un visage plus humain à l’intouchable bonnet rouge. Jérôme Salle ne défend pas le charisme de Cousteau, et ne cherche surtout pas idéaliser le personnage du film ; il ne s’agit pas pour le réalisateur de bruler une idole, mais de lui retirer son image immuable, parfois violemment.
Il ne faut pas s’y tromper, L’Odyssée, contrairement à de nombreux métrages du genre, comme Ωcéan, n’est pas tout à fait un film calibré pour les jeunes enfants, montrant, parfois, une véritable rudesse tranquille à l’écran. À priori, il s’agit pourtant d’un parfait film de saison, mais ce que filme avant tout Salle, c’est une relation tumultueuse concentrée sur un fils et son père, mais aussi avec sa mère, incarnée avec autorité par Audrey Tautou. Le réalisateur de Zulu n’hésite pas à sacrifier certains personnages, et là, on pense notamment au fils ainé, Jean-Michel Cousteau, réduit à une ombre facilement gommée du scénario. Mais attention, nous sommes également à des années lumières d’un film d’aventure épique à la Captain Blood. Au contraire, Salle filme son biopic avec une telle fluidité qu’il brouille la frontière entre l’aventure, le drame et le documentaire. Le rapport de domination qui se joue sur la confrontation, permettant au film de se hisser encore plus haut que ses promesses. Et le charisme paisible des acteurs contraste avec la fragilité des décors, de plus que L’Odyssée, tourné presque sans effets spéciaux, bénéficie d’une esthétique extrêmement classieuse, mettant en avant des âmes aussi tourmentées que les fonds marins, subissant les dérives du capitalisme.
Si il développe des partis-pris inattendus, L’Odyssée tombe, en revanche, et à quelques reprises, dans l’écologisme à trois-francs-six-sous. Salle ne nous épargne pas la séquence nous disant qu’il ne faut pas jeter sa bouteille à la mer, nous incite à protéger l’environnement, etc… Des intentions louables, mais moralisatrices, dont le film aurait aisément pu se passer. Faire cohabiter les hommes et la nature peut déjà ouvrir les yeux du public, inutile donc de faire du remplissage en s’égarant dans du militantisme pompeux, voire bon marché, chose que L’Odyssée parvient cependant à faire de manière subtile. Le défaut de ce choix est de limiter la démarche du métrage, se voulant comme une sidération pure et non comme une illustration merveilleuse.
Kiwi- lui attribue la note de :
En bref :
Si la lumière du soleil et un projecteur de cinéma, alors ce bleu est la révélation d’un rêve prêt à s’éteindre une fois découvert. Un didactisme qui peine à passionner, mais une poésie à couper le souffle…