En regardant les dernières apparitions cinématographiques d’Alejandro Jodorowsky, il est facile de constater que la filmographie du joyeux luron prend une tournure centrée sur l’autobiographie. La Danza de la realidade, Jodorowsky’s Dune, et maintenant cet ovni qu’est Poesía sin fin, où le réalisateur de La Montagne Sacrée continu le récit burlesque et coloré de sa vie. Il l’invente, la réinvente, jusqu’à en obtenir un hybride situé entre Frank Capra et Federico Fellini, célébrant les petites-gens, les artistes et le génie en chacun de nous. Poesía sin fin exalte la pente naïve du cinéma, faisant l’éloge des décors en cartons, des effets spéciaux jobards, encadrant une galerie de gilles conduisant à l’hilarité autant qu’à la méprise, à la tristesse ; comme cette poétesse sortie tout droit d’un film de John Waters, aux seins adipeux et à la longue chevelure rouge , une famille de poussahs, avec notamment des grands parents sardoniques, un père craignant par dessus tout que son fils devienne poète (parce que c’est pour les « pédés » !), voire un cousin amoureux qui se suicide pour ne pas révéler son homosexualité. On se croirait parfois face à un film de George Méliès, auquel Jodorowsky fait plusieurs références, par exemple avec la séquence de la fête des morts, vibrant hommage au slapstick au cinéma des années 1900.
Ramification existentielle dans laquelle la mère ne donne des paroles qu’en chantant tandis que le père entretien son fils avec une éducation martiale, Poesía sin fin, exploration mnémonique d’un homme fou, rappelle que seule la poésie peut mettre en œuvre la création. Par conséquent, la poésie est-elle le seul dieu, la forme d’art ultime ? À ce titre, Jodorowsky rejoint des cinéastes comme Andreï Tarkovski, en posant directement la question de la forme de la divinité et son impact sur l’homme et son ouverture. La seule chose qu’il est impossible de faire dans ce film, c’est d’empêcher un poète de créer. Le cœur ouvert, Jodo concentre son imaginaire, pardonne à son père, et fait un film à son image : ubuesque, bavard, drolatique et généreux. Le final l’illustre parfaitement : le fils rase la tête du père, l’âme de ce dernier s’échappe alors vers les cieux.
Kiwi- lui attribue la note de :
-
0/10
En bref
Après Poesía sin fin, une chose est sure : Jodorowsky est un être sin lìmite. Vivement que la suite ne s’arrête jamais.