Sea Fog – Les Clandestins (Haemoo) est le nouveau film du coréen Shim Sung-Bo (co-scénariste de Memories of Murder). Le tout est produit et co-écrit par Bong Joon-Ho, réalisateur de The Host, Snowpiercer, Mother ou encore Memories of Murder. Autant dire que les deux se connaissent bien, et font du bon boulot.
C’est un fait, le cinéma coréen nous abreuve depuis quelques années de ce qui se fait de mieux en thrillers et drames (Old Boy, The Chaser, J’ai Rencontré le Diable, Memories of Murder…). Et Sea Fog, bien que différent, ne déçoit pas malgré la pression placé sur ses épaules. Cependant, je préfère le dire d’emblée, le film n’a pas grand chose à voir avec Memories of Murder.
C’est donc l’histoire d’un équipage de bateau de pêche Coréen. Et comme pour tous les petits bateaux de pêche du monde, le poisson se fait rare (il faut donc aller de plus en plus loin), le fuel coûte cher, l’entretien du bateau aussi, et l’équipage se réduit au strict minimum. Kang, le capitaine, voit donc son travail menacé par la vente du bateau par son propriétaire. Impensable pour un vieux marin comme lui, dont la vie sentimentale est un désastre (sa femme le trompe ouvertement). Il décide donc de racheter son bateau avec de l’argent qu’il obtient de mafieux locaux, spécialisés dans la contrebande d’objets, mais aussi d’êtres humains. Sa mission, récupérer des clandestins en pleine mer, et les ramener sur le sol Coréen. Malheureusement pour lui la météo est mauvaise, et rien ni personne ne sortira indemne de cette tempête.
On pourrait s’attendre à ce que cette histoire de pêcheurs et de clandestins soit complètement attendue et pas originale pour un sous, mais c’est sans compter sur le talent des coréens pour raconter les histoires à leur façon : réaliste et brutale. Adapté d’une pièce de théâtre elle-même tirée d’un fait divers du début du XXème siècle, Sea Fog laisse encore sa marque dans votre esprit plusieurs jours après son visionnage. Cette histoire est aussi l’écho d’un monde où la corruption est présente à tous les niveaux, où les marins-pêcheurs sont criblés de dettes, et où beaucoup mettent la clef sous la porte. De plus, il n’y a jamais eu autant de clandestins que ces dernières années, ce qui renforce le côté ultra-réaliste du film.
Ce qui est très étonnant, c’est cette parfaite maîtrise du rythme dont fait preuve Shim Sung-Bo. Pour faire simple, le film ne souffre d’aucune longueur malgré ses 1h50, il prend le temps de situer le contexte, de présenter les personnages (on pourra reprocher une certaine caricaturisation des personnages, mais c’est à mon sens voulu par le réalisateur afin de ne pas perdre le spectateur dans des personnages identiques), chacun ayant un caractère très différent. De plus, c’est selon moi cette différence entre les membres d’équipage qui fait la force de ce huit-clos marin. On est happé dans l’histoire du début à la fin, et on en vient à s’attacher aux personnages qui ne sont ni gentils ni méchants, car ils illustrent des cas très différent dans une situation qui leur échappe totalement.
On pourra regretter l’ultra-présence de la romance (plutôt décevante il faut l’avouer) entre Dong-sik le jeune mousse et la fragile Hong-mae, dont l’excellence se révèle en fait dans la toute dernière séquence du film.
Mené par l’excellent – et je pèse mes mots – Kim Yun-Seok (le capitaine Kang), le casting s’en tire vraiment très bien. Enfin, Sea Fog est porté par une bande originale discrète mais très réussie, qui sait accompagner ou souligner les séquences comme il se doit. Le duo Shim Sung-Bo et Bong Joon-Ho réalisent encore ici un très bon film, qui a été sélectionné comme représentant de la Corée du Sud pour l’Oscar du Meilleur Film Étranger de la 87ème cérémonie, mais n’a pas été nominé.
Film fort et qui sort des sentiers battus, Sea Fog vous hantera très certainement après visionnage, signe que le cinéma Coréen a encore de beaux jours devant lui.
Cet article a été écrit après visionnage du film en VO.
CaptainSmoke lui attribue la note de
En bref
Un film poignant, bien réalisé et au rythme parfaitement maîtrisé.