Jeu étrange et poétique sur une terre inconnue, huis clos stérile et mature, doué d’une efficacité implacable. Solaris est le troisième long métrage d’Andreï Tarkovski, à peine sorti de la distribution chaotique de « Andreï Roublev » en URSS. Comme souvent chez le cinéaste Russe, l’esthétique est formellement présente, et accompagne immédiatement le premier plan d’une beauté foudroyante, entrainant dans un nid d’interrogations, lui même noyé dans un épais mystère dans lequel courent les roseaux.
En racontant l’histoire du cosmonaute Kris Kelvin, Tarkovski en profite pour imposer sa maitrise au sein du genre de la science fiction pour lequel il n’avait pas grande affection. Il le dira lui même, Solaris est son film qu’il apprécie le moins à cause de la présence des technologies (station orbitale et autres gadgets) qui signifient à ses yeux « l’erreur de l’homme ». On sent d’ailleurs Tarkovski assez malhabile dans certaines séquences, comme celle de la conférence qui épaissit le mystère autour de la planète Solaris. Tournée en noir et blanc, le réalisateur ne semble pas à l’aise en la faisant trôner dès le début du film, et elle semble malheureusement assez forcée, offrant un sentiment contagieux.
Et pourtant elle est suivit par cette scène iconique où l’on retrouve une autoroute au sein de Tokyo. Quasiment onirique, totalement hypnotique, Solaris semble vraiment commencer à cet instant, celui où les humains roulent séparément vers la modernité, sans se toucher. Ainsi, au cours de cette introduction sur Terre, Tarkovski ne fait que préparer son spectateur à une propulsion sur orbite.
La planète Solaris n’est qu’un prétexte parmi tant d’autres pour participer à une médiation sur l’homme, à la conscience, celle de la vie. Ainsi les remords renaissent face à un écran d’ambiguïté sans égal, où la lenteur donne une impression quasiment mystique aux visions des vagabonds intrigants. Solaris explore les méandres de l’inconscient, c’est un trajet dans la souffrance, d’une grande beauté, autant que d’une pureté exemplaire, la métaphore de l’amour figée aux yeux des limbes. Sonder ainsi une planète pour trouver la vérité sur l’Homme, Tarkovski transforme Solaris en quête absolue. Car au final, selon lui, la science fiction ne semble pas être la conquête d’un autre monde, mais celle de sa propre personne à travers un récit d’une profondeur à proprement parler hallucinante.
Ainsi, on pénètre dans Solaris comme dans un voyage métaphysique hors du commun. Dont la lenteur ne sert qu’à apprivoiser un suspens grandissant, dans lequel s’impose un duel entre la raison et la passion, entre les images et la musique, entre les connections cérébrales et la matière noire qui se lovent dans un couloir qui transpire l’obscurité. Alors que dehors le temps entoure les changements d’humeur d’un océan qui ressemble à une terre naissante.
KiwiKarma lui attribue la note de :
En bref
Les hommes se reflètent, tourmentés au milieu d’une tragique divinité. Solaris renvoie directement au mystère qui nous entoure, celui de l’univers, au delà des Hommes.