En l’espace de deux saisons, Hannibal a réussi à s’imposer dans le paysage audiovisuel américain et mondial. Non pas grâce à des audiences fortes – la série ne rassemblait plus que deux millions et demi de téléspectateurs l’année dernière – mais à cause de son aspect visuel unique – avec ses plans léchés et son gore loin des productions aseptisées des autres séries des networks US – et de son casting, avec un Mads Mikkelsen épatant en Hannibal. Après une deuxième saison très réussie et une fin assez traumatisante, on attendait beaucoup de la suite.
Il a tout d’abord fallu attendre la suite plus que de coutume, NBC repoussant le début de cette troisième saison en juin, début de la période creuse pour les séries. Signe que la chaîne n’attendait plus rien de sa série, l’annulation fut annoncé au début de la saison, le 22 juin, laissant les fans pleurer des larmes de sang et maudire une chaîne qui n’en est pas à son coup d’essai. Fuller et les scénaristes devaient être au courant depuis plus longtemps, vu la structure de cette saison : là où l’arc Dragon Rouge ne devait prendre place que lors de la saison 4, elle apparaît lors des six derniers épisodes de la saison 3. La première partie sert donc de grosse introduction, et c’est le gros problème de cette saison.
Ce découpage en deux parties provoque un rythme bâtard. Le scénario global est plus concentré et dense – au point de donner l’impression d’être rushé – mais la série est paradoxalement plus lente et insiste dans sa première partie sur un symbolisme visuel – religieux notamment – trop lourd et pompeux. Là où la saison 2 arrivait habilement à jongler entre la tension et la violence d’un côté, et les dialogues et la relation entre Will et Hannibal d’un autre, ce n’est pas le cas ici. Si Hannibal est toujours aussi terrifiant, le reste du casting semble effacé en comparaison – Hugh Dancy peine toujours autant à être intense – et ne fait quasiment que réciter des monologues mornes à prétention philosophique, sauf quand Hannibal est présent dans la discussion.
Cependant, il subsiste ici et là de très bonnes idées de mise en scène et un méchant en grande forme. Mads Mikkelsen est brillant, comme d’habitude, tout comme Gillian Anderson, qui a un temps d’écran plus important dans cette saison, le Dr. Bedelia Du Maurier accompagnant Hannibal en Italie. Les épisodes 6 et 7, qui font office de climax, sont excellents et rappellent la saison 2 et on se dit que la saison a vraiment débuté ; sauf que le début de l’arc Dragon Rouge replonge la série dans ses travers agaçants, toujours entrecoupé par des moments géniaux.
Et maintenant, je vais parler du final, alors attention, zone spoiler (sauter un paragraphe).
Donc concernant la fin… Ma foi, je suis assez partagé. Visuellement, il est magnifique, c’est sûr et la dernière image est parfaitement ambiguë. Dans le fond, je le trouve très bête et juste imaginé pour le fan-service. Déjà, il diffère complètement de la fin de Manhunter par exemple, qui excluait Hannibal de l’équation pour ne laisser que Will Graham (joué par William L. Petersen) face à ses peurs. Ici, on a droit à des personnages qui disparaissent complètement – la femme de Will (que l’on aura vu dix minutes à tout casser), la femme aveugle, Laurence Fishburne et tout le reste de l’équipe -, à un Hannibal qui parvient à s’évader grâce au Dragon Rouge et qui repart chez lui avec Will Graham… avant que le Dragon Rouge ne revienne et essaye de les tuer. C’est incohérent et franchement n’importe quoi, mais ça claque visuellement. Mais je pense qu’il y avait moyen de faire une fin plus forte, notamment autour de Will Graham, qui n’est finalement rien de plus qu’un personnage de second plan ici – chose vraiment anormale.
Fin des spoilers.
Au final, cette saison 3 d’Hannibal déçoit. Après la claque que fut la seconde, on était en droit d’attendre une montée en puissance, surtout après l’annulation de la série. Malheureusement, Hannibal reste Hannibal, une série capable du meilleur comme du pire. Ici, on a clairement un résumé de la série, entre un symbolisme outrancier et des dialogues vides d’un côté et des séquences visuelles magistrales et un Mads au-dessus du lot de l’autre. Au final, Hannibal va quand même manquer à la télévision américaine, mais peut-être sera t-elle reprise un jour par une chaîne du câble ou par Netflix ou Hulu. En attendant, si Fuller pouvait négocier les droits pour utiliser Clarice Starling, ce ne serait pas une mauvaise idée, au cas où…
PFloyd lui attribue la note de
En bref
Cette saison 3 d’Hannibal aurait pu être un final magistral, mais elle est trop inégale pour être pleinement convaincante. Reste de belles idées de mise en scène, un Mads attirant comme jamais et un final esthétiquement somptueux, mais on en attendait plus quand même.