Après avoir accepté, pour vivre, l’adaptation du roman de S-F Solaris, Andreï Tarkovski songe à créer un film où il reviendrait sur sa vie, sa mémoire et ses souvenirs. D’après le réalisateur russe, le cinéma n’est plus une question esthétique, ni de montage, mais un reflet du temps qui passe à travers les images. Pour lui, l’expérience cinématographique est une recherche du temps perdu, une rencontre entre le spectateur et le personnage.
Dans Le Miroir se laisse ressentir le poids de la mémoire, à la recherche du temps qui s’enfuit, à la structure poétique hallucinante, alternant brillamment les séquences en couleur et d’autres traversées par un noir et blanc bienvenu. Plonger ainsi dans la vie des hommes avec le simple secours des images, des plans et des sons, ici magnifiés par l’inspiration de Tarkovski qui s’offre à une esthétique totale, sublime et sublimée, comme désenchantée. Le Miroir est plus qu’un film poétique, c’est une véritable poésie, qui fonctionne entre les rimes et les métaphores. Le souvenir ne peut pas se raconter à travers une histoire basique, en revanche il peut s’y projeter.
Mosaïque en mouvement, qui se laisse envahir par les vagues de l’éternel retour, ainsi que la grâce quasiment féminine qui s’en dégage, Le Miroir est un film dans lequel Tarkovski se livre pleinement. Ici la prise de conscience d’un homme sur sa propre identité passe par le souvenir de la prise de conscience de son enfance. Le tout se vit en total connivence avec la richesse narrative du film, peu accessible, exigeante envers celui qui regarde, mais dosée d’une fascination absolue à tous les niveaux, insaisissable et reflétant une élégance folle. Harmonie intimiste, figure obsédante de la mère, chant complexe et ponctué par les larmes qui malgré tout ne semblent pas avoir envie de décortiquer cette énigme, spleen obscur où l’on observe les hommes se dandiner, déambuler face à une caméra maîtrisée.
Kiwi_ lui attribue la note de :
En bref
Tableau savant, labyrinthe approchant d’une limpidité totale, orchestre minimaliste et rivière où on ne peut s’empêcher de perdre ce que l’on aime. Face à ce film, nous sommes comme devant un miroir, nous prenons conscience de nous-mêmes, seuls, nous comprenons que nous partageons notre douleur de vivre, la douleur de la mémoire reconstituée par un miroir brisé.