Oui, nous sommes souvent en retard. Le temps passe rapidement, hélas, trois hélas. Mais parfois, prendre son temps est aussi bénéfique ; la preuve, on peut mieux apprécier certaines œuvres, comme, au hasard, Devilman Crybaby. L’histoire d’êtres humains qui se transforment en démons, d’un humain (Akira) qui parvient à maîtriser le sien et qui fait équipe avec son ami Ryo pour les traquer et les empêcher de nuire. Voilà ce que l’on peut en dire sans trop divulgâcher l’intrigue de l’anime.
Ne serait-ce pas le premier anime dont nous faisons la critique ici ? Champagne ! Tout en faisant semblant de déguster un petit brut à 50 euros, le gros événement de ce début d’année était la sortie sur Netflix de la nouvelle oeuvre de Masaaki Yuasa. Un événement à plusieurs titres : déjà parce que l’on parle tout de même d’un créateur prolifique et talentueux qui se cache derrière Mind Game, The Tatami Galaxy ou l’excellent anime Ping Pong (qui est actuellement disponible en France légalement ici pour le moment) ; ensuite, on retrouve le studio Aniplex, déjà derrière Ping Pong et garant d’une bonne direction artistique ; enfin, le manga de Go Nagai, sorti en 1972, est un immense classique subversif au Japon, ce qui rend l’adaptation intrigante mais aussi casse-gueule. Pour Netflix en tout cas, pas de souci : la boite américaine se met dans la poche les aficionados de Yuasa aux Etats-Unis et en Europe et se montre sur le territoire japonais avec une marque extrêmement forte. Tout bénéf’ en somme.
En tout cas, Netflix a eu le nez creux. Devilman Crybaby est une réussite, même si des défauts existent et l’empêchent d’être l’anime ultime ou même la meilleure oeuvre de Yuasa. Citons comme défauts ces premiers épisodes où tout est survolé et des moments quelquefois trop gratuits et non-justifiés – que ce soit dans la violence trop tape-à-l’oeil ou dans quelques plans sexualisés pour rien. Le travail d’Aniplex peut paraître cheap, avec ses personnages dégingandés et des paysages minimalistes, mais il est en réalité exceptionnel quant au rendu de la folie qui se dégage de l’anime, notamment lors des scènes de combats ou de la transformation des êtres humains en démons. Et plus la série avance, plus le spectateur plonge dans un univers dément où le chaos prend chaque minute de plus en plus de place.
Paradoxalement, l’anime est sans doute un peu trop sage dans le fond. Si les effusions de sang se multiplient, les personnages ne sont esquissés qu’assez tardivement et peinent parfois à susciter de l’empathie, comme si la débauche d’effets et toutes les péripéties accumulées rendaient leurs personnages abstraits. Politiquement, l’oeuvre de Go Nagai avait été un choc dans le Japon des années 1970 ; l’impact sera moins fort avec cette adaptation dans le Japon de 2018. Devilman Crybaby se démarque plutôt quand il prend le temps de se poser sur ses personnages et de leur donner de la chair, que ce soit les personnages principaux comme Akira, Ryo ou Miki, mais aussi des personnages secondaires, soit démons – celui de l’épisode 6 est très bien présenté – ou humains givrés – le gang de rappeurs. Cela explique aussi pourquoi les quatre derniers épisodes sont aussi réussis : tout se met à fonctionner harmonieusement.
Sans être un chef d’oeuvre, Devilman Crybaby est une bonne série qui parvient à créer une ambiance parfois dingue qui happe comme peu savent le faire. Et malgré ses défauts, même si cela aurait pu être mieux, cela fait du bien de voir que Masaaki Yuasa est toujours dans le coup et qu’une de ses œuvres soit diffusée sur un média aussi grand public que Netflix, qui réussit à produire un anime de qualité. 2018 commence bien.
PFloyd lui attribue la note de :
En bref
Devilman Crybaby peut laisser sur le bas-côté pour son aspect graphique particulier et son outrance parfois trop forcée, mais pour peu que l’on s’accroche au début, Masaaki Yuasa livre ici un anime solide qui touche parfois au sublime. A voir donc, tout en étant prévenu que Devilman ne plaira pas à tous et toutes.