Noël, ses rennes, son sapin, son gros et vieux bonhomme barbu qui donne de la joie aux petits et aux grands, ses hackers de la Dark Army et son vigilante prêt à tout pour les arrêter : Elliot et Mr. Robot avaient décidé de tenter de sauver le monde pendant les fêtes de la fin d’année passée. Pour un résultat original et corrosif, comme toujours avec l’oeuvre de Sam Esmail.
Si l’excitation mondiale ressentie en 2015 devant cette drôle de série est forcément retombée au fil des années – pas aidé par le délai de deux ans entre les deux dernières saisons (Sam Esmail étant parti faire la mise en scène de Homecoming sur Prime Video en 2018) -, force est de constater que pour celui ou celle qui s’est accroché.e, Mr. Robot était une des séries les plus intrigantes, foutraques et denses de la télévision américaine. De notre côté, nous avions chroniqué les deux premières saisons de la série (saison 1 et saison 2) qui peinaient parfois à faire de Mr. Robot plus qu’une série distillant quelques punchlines bien senties mais peinant à créer un ensemble cohérent et intéressant tout au long d’une saison. Chose que la troisième parvenait, elle, à faire : moins maniérée, plus créative, flippante et folle, bénéficiant d’une meilleure écriture et d’un format épisodique plus resserré permettant d’éviter les chutes de rythme (là où la deuxième saison s’étirait un peu trop sur ses douze épisodes), elle était une réussite à tout point de vue. Restait à attendre deux ans donc pour en voir la conclusion.
Cette dernière saison est clairement fait du même bois que sa devancière. On y retrouve un sommet artistique – le 4×05, ironiquement intitulé 405 Method not allowed -, une tension omniprésente qui culmine lors des sublimes septième et neuvième épisodes, ainsi que les fameux twists plus ou moins tirés par les cheveux qui ont fait la renommée de la série. Mais plus que ces habitudes – parfois un peu trop tape-à-l’oeil -, Mr. Robot démontre, si c’est encore à faire, qu’elle est une série qui prend soin de ses personnages, même secondaires, qui ont droit à des arcs soignés et trouvent toujours leur place dans l’intrigue globale, rendant la série bien plus dense et intéressante qu’en se reposant uniquement sur les guerres croisées, et parfois confuses, entre Whitehorse, le système et Eliott.
Mr. Robot rayonne quand elle assume pleinement son statut de pièce de théâtre, à l’image du fameux 407 Proxy Authentication Required ou de ses deux derniers épisodes. C’est un de ses paradoxes : parvenir à briller quand sa forme et son fond semblent s’enfoncer dans une complexité pompeuse et, au contraire, être poussive quand cette folie des grandeurs s’estompe. Sam Esmail – qui a le contrôle complet sur la mise en scène sur cette saison en plus d’y signer la moitié des scripts – a retenu les leçons des deux premières saisons : il a su se créer son propre style artistique et pousser au maximum la réflexion sur notre société de consommation, notre démocratie et nos faillites personnelles en les mêlant au chemin tortueux d’Eliott. En faisant des troubles de ce dernier le vrai point central de sa série et en utilisant ses facettes pour jouer constamment avec le quatrième mur, Esmail fait de son personnage (superbement interprété par Rami Malek) une figure complexe et tragique, le rendant tour à tour humain et inhumain, toujours en mutation car incapable de se voir tel qu’il est. Et même si la fin peut s’avérer un poil décevante – car trop classique dans sa forme -, elle apporte une douceur agréable – sans être un happy end – qui tranche avec la noirceur vécue auparavant, sans pour autant en perdre son âme politique. Et permettra sans doute aux plus acharné.e.s de revoir la série d’un œil neuf et de noter les références disséminées ici et là et qui nous sont passées sous le nez.
Malgré ses défauts, Mr. Robot a apporté un ton et une forme rares à la télévision américaine. En s’améliorant patiemment année après année, en s’appuyant sur un casting parfait (mentions spéciales à Christian Slater dans un rôle casse-gueule par excellence, Carly Chaiklin, BD Wong toujours incroyable et Ashlie Atkinson juste parfaite en psychopathe taxidermiste) et une OST magistrale (Mac Quayle à son sommet, entre musique drone et références pop et rock), l’ex-série phare de USA Network a été une bouffée d’oxygène, à l’instar de Legion, Watchmen ou Twin Peaks ces dernières années – dans cette catégorie d’oeuvres imparfaites qui ne quittent jamais notre esprit, et ce même des années après les avoir terminées. Et malgré l’avalanche de nouveaux contenus chaque année, gageons qu’on en parlera encore dans dix ans.
Mr. Robot, saison 4, 13 épisodes de 50 minutes, entièrement diffusée sur USA Network. France 2 a, semble t-il, toujours les droits de la série en France mais n’a pas encore communiqué sur une possible diffusion (qui n’arriverait pas avant la fin de l’année, voire début 2021, le tout en troisième partie de soirée) ; idem pour une future mise en ligne sur Prime Vidéo.
PFloyd lui attribue la note de :
En bref
Mr. Robot et Sam Esmail peuvent s’en aller le cœur léger, leur travail fut accompli avec brio. Brillante, cette ultime saison aurait mérité plus de visibilité et de reconnaissance ; tant pis, elle a celle de mon cœur. Une des quinze meilleures séries des années 2010, sans aucun doute.