On ne parle pas souvent des séries MTV sur le site. Pourtant la chaîne a su sortir quelques séries sympathiques (Teen Wolf) mais le nombre de séries produites et diffusées augmentant irrationnellement année après année, il faut forcément faire des choix, comme les téléspectateurs américains. Et (quasi-)personne n’a pensé à regarder Sweet/Vicious lors de sa diffusion en fin d’année dernière.
Créée et développée par Jennifer Kaytin Robinson, Sweet/Vicious met en scène un campus d’Université américaine classique, avec ses confréries diverses et variées et… son justicier masqué qui attaque de jeunes hommes convaincus de violences sexuelles la nuit venue. Justicier qui est une justicière tout de noir vêtue et à la voix modifiée, en la personne de Jules, elle-même victime d’un viol commis par le petit ami de sa meilleure amie. Un soir, elle est surprise par Ophelia lors d’une attaque et suite à cela cette dernière décide de l’aider dans son entreprise. Entreprise qui va forcément être semée d’embûches et qui va devoir évoluer dans le temps, en même temps que la personnalité de Jules.
Dès son introduction Sweet/Vicious pose cartes sur table. La série n’élude pas la question du viol lors des soirées étudiantes (et montre l’acte en question, soyez prévenu.e), la place des victimes dans ce microcosme où leurs paroles sont silenciées – au minimum – ou encore comment vivre après. Pour Jules, la voie choisie est celle de combattre le mal par le mal, via une violence mesurée – enfin le plus possible – vu que les personnes visées n’iront pas se plaindre à la police de peur de révéler les possibles abus qu’ils ont commis par le passé. La série se pose donc comme une dramédie d’action, ce qui peut sembler bizarre de prime abord mais le résultat est en fait diablement efficace.
Et ce pour plusieurs raisons : déjà le duo principal (Eliza Bennett en Jules et Taylor Dearden en Ophelia) est de suite attachant – comme le montre la séquence dans la voiture d’Ophelia à la fin du pilote – et les personnages secondaires sont plutôt bien écrits ; ensuite, les scènes de “justice” sont plutôt bien filmées et donnent à voir des gestes qui m’ont fait très plaisir, à base d’high-kicks à foison et de coups de tazer placés subtilement sous la ceinture ; enfin, la structure de la série, qui alterne intelligemment moments dramatiques et comiques (qui pour le coup sont réussis la plupart du temps), permet de ne jamais être noyé dans une noirceur accablante tout en soulignant d’autant plus les séquences fortes. Bien entendu la série n’est pas exempte de défauts, le plus gros étant tout ce qui touche au frère de Tyler et à la résolution très (trop) facile de son arc narratif, mais on passe outre sans soucis.
Dans le contexte très tendu autour des affaires de viols sur les campus américains, avec notamment l’affaire Brock Turner en juin 2016 qui a scandalisé une partie de l’opinion publique américaine, le mouvement It’s On Us ou la campagne No means No qui sensibilisent les étudiants aux viols sur les campus et à la notion de consentement, Sweet/Vicious apparaît comme un appel à prendre position contre les violences sexuelles, à soutenir les victimes de ces dernières et à leur donner la possibilité de se reconstruire et de vivre le plus normalement possible. Ce qui faisait de la série une perle rare dans le paysage audiovisuel américain voire mondial.
“Faisait” car Sweet/Vicious ne connaîtra pas (pour le moment si les miracles existent) une deuxième saison, la faute à des audiences plus basses que celles de la nouvelle saison de Twin Peaks, aux alentours des 100 000 téléspectateurs hebdomadaires. Frustrant surtout que la série n’avait pas anticipé une telle décision, laissant la porte du garage grande ouverte pour une possible saison 2. Dommage pour Sweet/Vicious et la télévision américaine donc. Dommage aussi pour MTV qui tenait une série vraiment originale. Et dommage pour le téléspectateur à qui on enlève une création qui changeait un peu de ce qu’il peut voir d’habitude.
Sweet/Vicious, MTV, 10 épisodes de 40 minutes déjà diffusés, inédite en France.
PS : voici un petit entretien avec Jennifer Kaytin Robinson qui explique ses positions sur la série et les messages qu’elle véhicule.