Cary Joji Fukunaga. Pour beaucoup, il est associé à la première saison de True Detective et à son plan-séquence dément, mais l’Oaklandais de naissance s’était aussi distingué en réalisant en 2015 une des premières grosses fictions cinématographiques de Netflix, Beasts of no Nation (primé à Toronto et qui reste encore à ce jour ce que la plateforme a sorti de mieux dans le domaine). Pas étonnant donc de le revoir derrière la caméra sur Netflix pour Maniac, avec Patrick Sommerville à la création et à l’écriture (ex-The Leftovers) et avec un casting assez impressionnant (Jonah Hill, Emma Stone, Justin Theroux, Soyona Mizuno) qui se retrouve dans un centre pharmaceutique, où un traitement expérimental visant à guérir des patients souffrant de troubles psychiques est testé sur des volontaires, le tout dans un monde rétro-futuriste où les Amiga et autres Apple II sont rois et reines et côtoient des robots qui ramassent les défections de nos amis les chiens (miam).
Maniac est une série qui vaut le coup d’œil, vraiment. Pas tant par sa réalisation (on y reviendra après) que par les enchaînements des rêves/simulations ou encore par son écriture des personnages, notamment celui d’Owen, joué par un excellent Jonah Hill. Atteint de troubles schizophréniques, ce dernier doit en plus supporter la pression familiale qui l’oblige à commettre un parjure au tribunal pour sauver son frère accusé d’agression sexuelle. Un type de personnage qui nécessite donc une certaine subtilité loin d’être la norme dans les films ou les séries, mais qui ici est vraiment bien développé ; et la sobriété du traitement du personnage d’Owen permet de mettre en valeur le jeu tout en subtilité de Hill.
L’autre point fort concerne les simulations et les rêves vécues par Owen et Annie (jouée par une bonne Emma Stone) lors des essais cliniques menés par Neberdine. Si tous ne sont pas toujours très réussis (la partie fantasy met du temps à décoller par exemple), ils permettent à Maniac de ne pas faire du surplace et de dynamiser la deuxième moitié de la saison, en alternant ces séquences avec les événements qui se déroulent au sein du centre. Le parcours d’Owen et d’Annie est plaisant à suivre, notamment grâce à une bonne écriture, tantôt drôle ou émouvante. Un parcours où chacun tente de trouver des réponses ou au minimum un chemin praticable à suivre pour le futur – vivre avec le souvenir d’une sœur morte pour Annie ou tenter de vivre tout court pour Owen – même si le chemin d’Annie est traitée avec moins de nuances que celui d’Owen.
Les choses se gâtent légèrement quand la mise en scène et la direction artistique entrent dans l’analyse de la série. Fukunaga a toujours le coup d’œil pour trouver le bon plan ou le bon effet qui permet de sublimer une scène, mais il se recycle sans doute un peu trop dans Maniac, à l’image de ce plan-séquence « comme-dans-True Detective » – ici il est situé dans l’épisode 9 – sans atteindre la qualité de ce dernier. Autre élément embêtant, la forme et la structure de la série elle-même : Fukunaga et Sommerville ne sont pas les premiers à traiter d’un tel sujet avec un récit en apparence déstructuré. Du coup, on est sans cesse tenter de rapprocher Maniac à ce que Gondry avait pu faire dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind pour les rêves et les névroses exprimées par chacun durant les tests ; quant à l’univers de la série, quiconque à déjà vu un film de Terry Gilliam a déjà vu Maniac (pour ne citer que l’Américain). Deux exemples ici qui forment une liste loin d’être exhaustive mais qui montre bien un des problèmes de la série.
Car ces références ne lui font pas vraiment du bien. Maniac souffre de la comparaison et apparaît plus comme un agglomérat d’idées et de plans qu’à une série réellement originale. Et c’est injuste, tant la série réussit parfois à donner vie à ses personnages en leur laissant le temps de s’exprimer sur leurs doutes et leurs névroses, les faisant évoluer au fil des épisodes jusqu’à ce sommet qu’est l’épisode 9. Il en va de même pour ce qui se passe au sein de Neberdine, avec cette bande de scientifiques tout aussi paumés que les patients qu’ils observent, à l’image d’un Docteur Mantleray en pleine détresse dès que sa mère approche à moins de 100 km de sa personne. Malheureusement, la série n’arrive pas réellement à se fixer sur eux et se dilue un peu dans cet univers, certes beau, mais vu et revu et surtout sans réelle caractérisation sociale ou politique. Quel intérêt de développer un univers rétro-futuriste si on ne prend pas le temps de l’expliquer et de le présenter correctement ?
Réussie quand elle se focalise sur le cheminement personnel d’Annie et d’Owen, Maniac est donc utrop balisée pour être vraiment marquante. Une frustration qui ne doit cependant pas vous empêcher de regarder la série et qui reste bien mieux que ce que Netflix a pu sortir comme oeuvre de SF ces derniers temps, en séries ou en films. Et elle donne aussi envie de revoir Jonah Hill dans ce genre de rôle dramatique le plus rapidement possible.
Sinon on souhaite aussi un bon courage à Cary Fukunaga pour le prochain James Bond. Il en aura bien besoin (et arrêtez de dire qu’il ne peut pas en réaliser un en vous basant sur deux courtes séquences de Maniac, merci d’avance).
Maniac, mini-série diffusée sur Netflix, 8×45 minutes (environ). Déjà disponible.
PFloyd lui attribue la note de :
En bref
Maniac vaut le coup d’œil mais peine à être réellement intéressante et prenante. La faute à une forme un peu décevante et à un manque de solidité de l’univers présenté. Mais le voyage offre par moment de beaux moments et c’est ce qui compte le plus.