Michel Hazanavicius étonne toujours avec le choix de ses films. La Classe Américaine, Oss 117, The Artist, Le Prince Oublié… Du drame aux larmes, et souvent les deux en même temps, le réalisateur revient avec un film singulier : La Plus Précieuse des Marchandises. J’ai eu l’opportunité de découvrir le film en avant première lors du Festival Lumière 2024, présenté par son réalisateur qui s’est également prêté au jeu des questions/réponses avec le public.
« Il était une fois, dans un grand bois, un pauvre bûcheron et une pauvre bûcheronne. Le froid, la faim, la misère, et partout autour d´eux la guerre, leur rendaient la vie bien difficile. Un jour, pauvre bûcheronne recueille un bébé. Un bébé jeté d’un des nombreux trains qui traversent sans cesse leur bois. Protégée quoi qu’il en coûte, ce bébé, cette petite marchandise va bouleverser la vie de cette femme, de son mari , et de tous ceux qui vont croiser son destin, jusqu’à l’homme qui l’a jeté du train. Leur histoire va révéler le pire comme le meilleur du cœur des hommes. »
Adapté d’un très beau texte de Jean-Claude Grumberg, Michel Hazanavicius délivre après 6 ans un solide film d’animation français comme on en voit trop rarement. Poussant le concept du conte au maximum en ne nommant jamais les personnages, le film qui se déroule lors de la seconde guerre mondiale pourrait tout aussi bien s’appliquer à n’importe quel conflit moderne, preuve de sa grande intelligence d’écriture. On peut saluer également son format court (1h20) et maitrisé. Même si le film est lourd car son sujet l’impose, il n’en est pas moins inadapté au public plus jeune, peu sensibilisé à cette partie de l’Histoire. Il faudra néanmoins faire un travail en amont pour préparer notre jeunesse à la dureté du propos.
La Plus Précieuse des Marchandises est avare en dialogues, préférant mettre en avant les images et la pudeur douce des personnages de la pauvre bucheronne (Dominique Blanc) et de l’homme à la gueule cassée (Denis Podalydès). Même les personnages plus durs comme le pauvre bucheron (Grégory Gadebois) trouvent quelque part une forme d’humanité, que l’on trouvera souvent déplaisante mais qu’il est impossible de mettre de côté. N’oublions pas le rôle important du narrateur, ici joué par un Jean-Louis Trintignant toujours d’une justesse folle dont c’est la dernière participation à un film avant son décès.
On a droit ici à un des plus beaux longs métrages d’animation de l’année. Puisant son inspiration chez les premiers Walt Disney sur certains décors ou animaux, le film délivre une leçon de ce qu’est capable de produire la France en terme d’animation « traditionnelle ». Je découvre d’ailleurs avec ce film le passif de Michel Hazanavicius en terme de dessins, car il signe ici le design des personnages et de nombreux concepts artistiques du film. J’espère que nous aurons dans le futur le plaisir de le voir revenir au film d’animation.
Le film est selon moi, un des indispensables de l’année. Intelligent, visuellement à tomber et bénéficiant d’une bande originale réussie (merci Alexandre Desplat), il aura besoin du public pour le faire vivre en salles car je suis près à parier qu’il ne bénéficiera pas d’une campagne marketing des plus importantes, comme souvent avec le cinéma d’animation européen.
CaptainSmoke lui attribue la note de :
En Bref
La Plus Précieuse des Marchandises est un très beau film qui parvient avec une modernité troublante à mélanger passé et présent. Une réussite.