Stan Carlisle, jeune homme mystérieux, rejoint un cirque. Là, il apprend tous les trucs d’un télépathe alcoolique. Grâce à ces connaissances, il peut lancer sa carrière à New York, où il s’allie à une psychanalyste dans le but d’arnaquer un homme riche mais dangereux.
La monstruosité a toujours été centrale au paysage artistique de Guillermo Del Toro, qui nous revient aujourd’hui avec un onzième long-métrage au casting impressionnant et impeccablement mené par Bradley Cooper dans le rôle de Carlisle. Chez le réalisateur mexicain, la monstruosité a toujours été positive, et ce n’est pas ni des fantômes ni des homme-poissons qu’il faut avoir peur, mais bien des hommes, surtout ceux qui sont bien dans le rang. Si Nightmare Alley est assez différent des autres films de Del Toro, ce principe n’en reste pas moins vrai.
Le personnage de Carlisle se montre d’abord timide, mais serviable – il tarde d’ailleurs à parler pour la première fois. Son vrai visage se découvre en deuxième partie de film : il est en fait ambitieux, menteur et manipulateur, utilisant à mauvais escient ce qu’il a appris de la troupe de cirque. C’est d’ailleurs dans cette deuxième partie, bien distincte que la première, que Nightmare Alley prend toute sa mesure de film noir. Paradoxal, donc, que ce soit cette partie qui soit clairement en-deçà d’un début de film où chaque plan laisse bouche-bée et tout est impressionnant de maîtrise.
On imagine aisément le délice d’un réalisateur comme Guillermo Del Toro à tourner dans des décors de cirque, lui qui avait fait construire le manoir de Crimson Peak dans son intégralité. D’autant plus, que le cirque, c’est aussi les débuts du cinéma, mais aussi Freaks de Todd Browning. Le cirque a un lien sûr et continu avec le cinéma, spectacle populaire par excellence, loin des salons aux moquettes moelleuses dans lesquels évolue Bradley Cooper et Rooney Mara dans la deuxième partie de film.
Pourtant, si le public n’est pas le même, comme le dit Bradley Cooper, l’arnaque, elle, reste la même. Et de ce parallèle, il en vient un autre : la duperie des plus riches, qui prend la forme, dans le film, de la psychanalyse. La glaciale Cate Blanchett est magistrale dans le rôle de la psy qui rend coup pour coup à son comparse.
Malgré une deuxième partie un peu plus faible, Nightmare Alley est un film mastodonte, d’une richesse incroyable, qui porte un regard critique la société américaine, comme à l’habitude du réalisateur, qui aime à pointer du doigt la manière dont les hommes et femmes de pouvoir perdent leur humanité de vue à mesure que leur emprise sur les autres s’accroît. Et si la fin est prévisible, elle n’est reste pas moins très satisfaisante tant elle clôt avec pertinence le propos film.
Il y aurait mille choses à dérouler sur Nightmare Alley, que ce soit dans le rapport de Del Toro à l’ésotérisme, ou par rapport au fait que c’est le deuxième film en moins d’un mois à être critique de la psychanalyse avec Matrix : Resurrections comme l’auront signalé dans leur article les collègues de Cinématraque. Mais, pour conclure, il s’agira de dire ceci : Nightmare Alley est une adaptation d’un roman de William Lindsay Gresham qui date de 1946. Del Toro s’approprie le texte, l’actualise et le fait sien de belle manière. Si Nightmare Alley n’est peut-être pas le meilleur film du réalisateur, il a un air de film-somme, oeuvre-bilan d’une carrière entière de réflexion qui aura commencé il y a vingt-neuf ans avec Cronos.
SophieM lui attribue la note de :
En bref
Film imparfait, Nightmare Alley reste impressionnant de maîtrise et montre toute la maturité d’un réalisateur qui peaufine son art depuis bientôt trente ans.