C’est sans doute le destin de toutes les sitcoms de CBS de perdre en qualité au fil des saisons. La question n’est donc pas tant « Quand est-ce que cette baisse s’arrêtera ? » (la réponse est évidente : quand la série passera sous le cap des audiences jugées acceptables par la chaîne, et finira donc à la poubelle) mais plutôt « Jusqu’où va-t-elle plonger ? ». Contrairement à un How I Met Your Mother qui n’a jamais réalisé des audiences faramineuses, The Big Bang Theory c’est la sitcom US numéro 1. Des scores hebdomadaires déments chaque saison, alors qu’elle ne ciblait involontairement qu’un public de niche lors de ses premiers pas en 2007. Nous ne sommes pas prêts de la voir quitter l’antenne, il y a donc encore moyen de faire bien pire. Et c’est ça le plus terrifiant.
Années après années, The Big Bang Theory a standardisé son humour. Les références « geeks » (notez les guillemets) se limitent désormais à Game of Thrones, deux épisodes sur l’ensemble de la saison doivent d’ailleurs faire mention de l’identité de base de la série, qui avait pu faire sa réussite dans ses premiers épisodes. Plus que jamais, la série de Chuck Lorre est d’un vide scénaristique total. Entre les vannes crypto-gays sur Raj et le facteur Sheldon dont toutes les répliques sont devenues prévisibles, The Big Bang Theory n’a plus rien à dire, ne fait plus rire. Elle agace même, elle harasse son spectateur : combien de fois par épisode désire-t-on assassiner sauvagement Howard et Bernadette, l’un pour son cynisme bas de gamme, l’autre pour son traitement absolument détestable
Dans une dernière tentative désespérée, The Big Bang Theory tente alors d’émouvoir. Chaque semaine a donc son lot d’éloges de l’amitié rose-bonbon, de morales bien puritaines et de séquences émotions plus risibles qu’autre chose. Déjà qu’il est de base difficile de rire quand une assemblée d’inconnus s’esclaffe à la moindre réplique, il est encore plus complexe de ressentir quoi que ce soit lorsque ce même groupe se met à répéter des Oooooh et des Aaaaah à chaque mot gentil de Sheldon Cooper.
Pourquoi tant d’hostilité ? Pourquoi donc persévérer alors que la série a sauté le requin depuis maintenant de nombreuses années ? Ce n’est pas du masochisme, ni même du hate watching. Non, regarder The Big Bang Theory en 2015, c’est admirer la régression de la télévision américaine pour s’adapter au plus grand nombre. On ajoute des personnages féminins pour respecter les quotas, et surtout on renie sa plus profonde identité. Alors que Community était une série pour les geeks, The Big Bang Theory a longtemps été une série sur les geeks (c’est d’ailleurs comme ça qu’on les a longtemps différencié), avec ses clichés, ses stéréotypes, son petit regard moqueur, mais possédant finalement un certain charme dans sa manière de jouer avec les codes et le regard de l’autre. Sauf que depuis trois ou quatre ans, Lorre trahie la source même de son show. Ce n’est plus de geeks qu’il parle, mais d’un groupe d’amis trentenaires, certes gamins, mais loin de toute considération nerd. Cette saison 8 est plus proche d’un sous-Friends que de son propre pilote.
On pourrait facilement cracher sur The Big Bang Theory. Dire que la série est énervante, avec ses petits airs moralisateurs, sa manière détournée de faire comprendre au spectateur qu’on ne peut allier vie adulte et passion pour les comics – les bandes-dessinées c’est pour les enfants, vous comprenez. Mais toute cette affaire inspire plus l’impuissance qu’autre chose : on regarde, passif, huit ans après, Howard prendre Sheldon pour un crétin, ce dernier considérer Leonard comme un inculte, et Raj tenter en vain de trouver l’âme sœur. On les apprécie, au fond, mais nous apprécient-ils eux aussi ? Lorre est un meilleur scénariste qu’on aimerait le penser, et s’il y a peu d’espoir quant à une possible rédemption qualitative de la série, on ne peut qu’espérer qu’il saura – au plus vite – forcer le « c’est fini » à ses financeurs. Avant que l’aura de The Big Bang Theory ne s’estompe définitivement. Il est trop tard pour se retirer la tête haute, mais il est encore assez tôt pour ne pas devoir fuir la queue entre les jambes.
Vivienn lui attribue la note de
En bref
C’est comme l’an dernier : catastrophique une fois sur deux, pas plus drôle qu’émouvant, et donc profondément ennuyant. Un ou deux épisodes viennent sauver du naufrage total, et ce n’est pas l’implication régressive des acteurs principaux qui va arranger tout ça.