De janvier à mars 2014, la première saison de True Detective mit une claque à toute la concurrence. On se souvient de sa réalisation magnifique (merci Cary Fukunaga), de son casting cinq étoiles mené par un Matthew McConaughey en plein renaissance artistique (à l’époque) et de ses fameux dialogues et monologues déclamées dans le bayou louisianais écrit par un Nic Pizzolatto que le monde entier découvrit à cette occasion (et qui lui vaudront des accusations de plagiat dans la foulée, entre autres). Cinq ans plus tard, True Detective est revenu pour sa troisième saison sur la chaîne câblée de la Warner. Mais l’attente fébrile de 2014 s’est transformée en légère indifférence.
Il faut dire que l’accueil très mitigé en 2015 de la seconde livrée de l’anthologie policière avait incité HBO à prendre du recul sur la série afin de revenir au succès critique et public de la première saison. Pourtant cette si décriée escapade à Los Angeles était loin d’être une horreur. Sa narration était certes brouillonne et l’intrigue trop compliquée pour être traitée efficacement en huit épisodes, mais certaines situations restaient fort intéressantes et les personnages de Rachel MacAdams et de Colin Farrell (moustachu) étaient bien écrits et plutôt touchants. Malheureusement, la chaîne ne l’a pas entendu de cette oreille, voulant coller aux désirs du public et de la critique, pour un résultat franchement moyen.
Soyons d’abord positif. Au rang des réussites, l’écriture des personnages est globalement plus solide et moins confuse qu’en 2015, revenant donc sur les bases lancées par la première saison. La reprise de la construction temporelle de cette dernière (trois époques différentes dépeintes : 1980, 1990 et 2015) permet aussi de mieux dessiner leurs évolutions personnelles et donc de leur donner plus de chair, notamment au personnage central de Wayne Hays. Ce dernier est le gros point fort de la saison (et quasiment son seul vrai intérêt) : déjà parce qu’il est campé par l’excellent Mahershala Ali (qui peut aller chercher une nomination aux Emmys), mais aussi parce que sa trajectoire individuelle est extrêmement touchante au fil des épisodes, avec en point d’orgue cette dernière demi-heure qui symbolise parfaitement son désir de justice brimé par un Alzheimer qui le noie petit à petit dans un passé auquel il a cherché à échapper tout sa vie.
Hélas, si Pizzolatto a voulu revenir à l’esprit de la première saison dans l’écriture, il ne réussit pas à atteindre le niveau de cette dernière. Dans son ensemble, cette troisième saison de True Detective est loin d’être mauvaise, mais elle est fade. Elle ne reste jamais en tête et ne bouscule jamais le spectateur, mis à part la toute fin (et encore, cela vaut surtout grâce la prestation d’Ali). La faute entre autres à une mise en scène assez quelconque et à un enchaînement entre les époques trop prévisible, presque mis en place pour masquer les carences d’écriture sur les personnages secondaires ou l’intrigue principale. HBO avait pourtant fait appel à Jeremy Saulnier pour filmer les trois premiers épisodes et superviser la mise en scène de cette saison, mais le réalisateur américain est parti au bout de deux épisodes à cause d’un problème de planning (officiellement tout du moins) ; mais même avec Saulnier, on peine à voir une patte artistique forte sur cette saison, tout étant filmé assez platement, avec un filtre bleuâtre morne et sans réelle imagination. Il en va de même quant au renfort de David Milch (Monsieur NYPD Blue et Deadwood) sur l’écriture pour épauler Pizzolatto et qui ne se fait pas sentir malheureusement.
C’est donc en s’ennuyant poliment durant les deux-tiers de cette nouvelle saison que l’on observe les péripéties d’Hays et de son collègue Roland West (joué par Stephen Dorff inégal selon les périodes temporels) dans ces trente-cinq ans d’enquêtes et de recherches pour connaître la vérité sur le mort d’un jeune garçon et la disparition de sa soeur. C’est bien dommage, car certaines idées (le documentaire permettant à Hays de revenir sur l’affaire en 2015) ou certains arcs narratifs (comme celui d’Amelia Reardon, campée par une très solide Carmen Ejogo) sont bons et intéressants ; mais le tout peine à convaincre. Les Ozarks ne restent qu’un joli décor assez peu exploité au final, alors qu’il y aurait eu matière à développer un état des lieux sur cette communauté ; et les rôles secondaires très en retrait et pas toujours bien écrits n’aident pas cette saison à se lancer réellement.
Au fond, on peut se demander si la réussite de la première saison de True Detective n’est pas qu’un coup de chance d’une série tombée au bon endroit au bon moment. A trop vouloir copier cette dernière, HBO et Pizzolatto se sont enfermés dans une zone de confort qui assure certes de bonnes critiques, mais qui ne sort jamais des sentiers battus, ne surprend jamais, ne prend plus aux tripes. Difficile en tout cas de deviner vers quels auspices True Detective s’engagera à l’avenir ; et de toute manière, pas sûr que cela nous intéresse encore.
True Detective, créée par Nic Pizzolatto, 2014, HBO. Troisième saison de huit épisodes de 55 à 90 minutes, déjà diffusée sur HBO (en France, déjà diffusée sur OCS)
PFloyd lui attribue la note de :
En bref
Ni mauvaise ni bonne, cette troisième saison de True Detective laisse sur sa faim et n’arrive que rarement à transcender le téléspectateur. Pas sûr qu’on embarque donc pour une quatrième saison, ce qui pouvait sembler inconcevable il y a cinq ans. Le temps est impitoyable.